Si la pratique n’est pas encore démontrée, le personal pricing (ou tarif personnalisé) deviendrait le nouveau phénomène du e-commerce : la collecte de nos informations personnelles permettrait de nous proposer des rabais… Ou au contraire des prix plus élevés !
Un nouveau sujet de préoccupation relatif à l’utilisation de nos données personnelles sur le web émerge actuellement : celui du tarif personnalisé, ou personal pricing dans la langue de Sakespeare du web marketing. En effet, Les technologies Internet permettent aujourd’hui d’établir des profils assez précis des internautes : historiques de navigation, habitudes de consommation, centres d’intérêt, origine géographique, etc. De quoi élaborer, de façon plus ou moins fictive, un pouvoir d’achat présumé, et par conséquent des prix de vente « personnalisés » sur Internet. Si cette tendance permet de proposer des rabais, elle permettrait aussi d’ajuster certains prix à la hausse, en fonction du profil de chaque internaute.
Les craintes à ce sujet se font de plus en plus fortes, au point qu’une agence britannique (Office of Fair Trading) souhaite enquêter sur ce phénomène, notamment en évaluant le degré de précision relatif aux données collectées. En attendant, malgré les inquiétudes, rien ne prouve aujourd’hui que les e-commerçants utilisent ces données pour facturer un prix plus élevé à certains clients. Certaines suspicions concernent néanmoins les marchés de l’hôtellerie et du voyage en ligne : les tarifs de certaines prestations seraient fluctuantes en fonction de la marque de l’ordinateur utilisé, ou de la zone résidentielle d’origine.
Comment les e-commerçants obtiennent nos informations personnelles ?
D’une manière générale, les sites de vente en ligne peuvent recueillir certaines de nos données personnelles de deux façons différentes : en relevant eux-mêmes ces informations (cookies), et en achetant des informations complémentaires à des tierces parties (agences de publicité et de web marketing).
La grande majorité des sites Internet copient sur notre ordinateur un petit fichier appelé cookie : à l’origine, les cookies sont censés procurer un confort de navigation (ex : mémorisation de l’authentification ou du contenu d’un panier, recommandation personnalisée d’articles, etc.). Mais les cookies permettent aujourd’hui de stocker des informations de plus en plus nombreuses et précises. A l’instar des autres réseaux sociaux, Facebook est également très friand de cookies :
Les outils tels que les cookies et les pixels servent à analyser et fournir des publicités afin de les rendre plus pertinentes en fonction de votre utilisation. Par exemple, nous pouvons lire un cookie qui nous indique que vous êtes connecté à Facebook, ce qui nous permet de vous montrer des publicités susceptibles de vous intéresser sur Facebook ou sur d’autres sites. Nous pouvons également utiliser un cookie pour savoir si une personne qui a vu une publicité sur Facebook a visité le site de l’annonceur par la suite. De la même manière, nos partenaires peuvent utiliser un cookie ou une autre technologie similaire pour déterminer si nous avons montré sa publicité et quels résultats elle a générés, ou pour nous fournir des informations concernant l’interaction que vous avez eue avec eux. Nous pouvons également collaborer avec des tiers afin de vous montrer sur Facebook ou ailleurs une publicité, par exemple pour un partenaire dont vous venez de visiter le site web ou d’utiliser l’application, ce qui peut impliquer l’utilisation de cookies, le stockage local sur votre appareil ou d’autres technologies similaires.
La contre-attaque s’organise
Les pouvoirs publics et les associations de consommateurs s’inquiètent des possibles dérives liées à la collecte d’information passive sur Internet. Le « Paquet Télécom » adopté par l’Union Européenne est par exemple entré en vigueur le 26 mai 2012 : l’objectif est de contraindre les sites internet à demander l’autorisation de l’internaute avant toute installation de cookie, et à annuler son éventuel consentement dès qu’il en fait la demande explicite. Malheureusement, dans l’état actuel du web, cette disposition est inapplicable à court terme.
Les internautes les plus sensibilisés à la réutilisation de leurs données personnelles par les e-commerçants et les e-publicitaires commencent à utiliser les fonctions anti-tracking, proposées sur leur navigateur Internet (mais rarement activées par défaut) : Do Not Track (Firefox, Safari), Keep My Opt-Outs (Chrome), Tracking Protection (Internet Explorer). Les fonctions de navigation privée sont également de plus en plus sollicitées.
Il est enfin possible d’imaginer que certains internautes seront techniquement capables de falsifier les informations collectées par les différents sites Internet, dans le but de fausser leur profilage, et de susciter un personal pricing à leur avantage !
L’intérêt des gouvernement pour le profilage web
On se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins : si les différents pouvoirs publics déclarent parfois soutenir une certaine transparence dans la collecte des données personnelles sur le web, les gouvernements sollicitent par ailleurs très souvent les compagnies privées spécialisées dans la gestion des informations personnelles et le profilage des internautes. En effet, face à l’anonymat sur Internet, ce sont aujourd’hui les « datas agencies » qui disposent de véritables fichiers sur de nombreux citoyens. Ces bases de données peuvent représenter un outil incroyable pour les différents gouvernements, pour satisfaire certaines formalités administratives, ou pour développer des enquêtes judiciaires D’ailleurs, la France fait partie des cinq pays qui demandent le plus à Google de fournir des renseignements personnels sur des utilisateurs. Où les pouvoirs publics placeront-ils finalement le curseur des libertés individuelles sur l’axe de la gestion des renseignements ?
Le personal pricing, s’il existe de façon institutionnalisée, n’est rien d’autre qu’une application rendue possible grâce aux technologies web de collecte des informations personnelles. Le potentiel de ces technologies est sur le point de se transformer en boîte de Pandore. Qu’en sera-t-il demain ?
Sources : strategiemedia.fr / bbc.co.uk
Image : Flickr / Markusram / CC BY-ND 2.0