Depuis début juin, PRISM, le système de surveillance mondial des communications électroniques dirigé par la NSA, fait couler beaucoup d’encre (surtout sur le web d’ailleurs), comme si ces pratiques douteuses étaient nouvelles et surprenantes. En tant que simple internaute, comment réagir à cette actualité ? Comment mieux préserver ses données personnelles ?
Ces jours-ci, surfer sur Internet toute la journée sans vouloir entendre parler de PRISM, c’est un peu comme passer 6 heures dans une grande surface sans vouloir entendre de Christophe Maé ou de Garou : c’est mission impossible. Pourtant, apprendre que les américains surveillent et filtrent nos communications électroniques (mail, chat, réseaux sociaux, etc.) n’a rien de très surprenant : le réseau Echelon par exemple, déjà très performant, existe depuis les années 70. Depuis, le développement d’Internet et les attentats du 11 septembre n’ont pas incité les services de renseignement à se désengager d’un système de surveillance mondiale, bien au contraire ! En réalité, le vrai scandale de PRISM réside dans le fait que pour une fois, nous parvenons à mettre un nom sur un système que l’on soupçonnait tous, tout en ayant enfin un aperçu de son étendue.
La vraie question est la suivante : maintenant que nous ne pouvons plus dire que nous ne sommes pas au courant, comment-devons nous réagir, nous, simples internautes, à ce « scandale » ?
Previously, on PRISM
Un petit rappel des faits pour ceux qui reviennent de leur île déserte ? Début juin, Edward Snowden, un ancien technicien de la CIA et analyste à la NSA (agence américaine de sécurité, spécialisée dans la surveillance et l’analyse des télécommunications), révèle au Guardian l’existence du programme PRISM (Planning Tool for Resource Integration, Synchronization, and Management) : ce dispositif de surveillance permet à la NSA d’accéder aux informations gérées par les entreprises américaines, parmi lesquelles les géants du web (Microsoft, Yahoo, Google, Apple, etc.), qui traitent les données personnelles de centaines de millions d’utilisateurs à travers le monde : e-mails, conversations, photos, fichiers, vidéos, etc. (voir l’infographie publiée par Le Monde). Un programme de surveillance numérique mondial qui ferait passer la « Machine » de la série « Person of Interest » pour un simple gadget. On comprend désormais mieux la construction d’un datacenter pharaonique près de Salt Lake City (Utah).
Depuis ses révélations, Edward Snowden a fui les Etats-Unis, et cherche l’asile politique dans un pays qui défend la liberté sur Internet, comme l’Islande par exemple.
Maintenant que nous, simples internautes, ne pouvons plus ignorer la réalité et la façon dont notre vie privée est considérée sur Internet, que pouvons-nous faire à titre individuel ?
Option 1 : se déconnecter et vivre en ermite
Peu probable étant donné notre addiction (personnelle, professionnelle, sociétale) à Internet et ses nombreux services, mais dans les faits, cesser d’utiliser Internet est le seul moyen d’échapper aux différents dispositifs de surveillance. Auquel cas, jetez également votre téléphone portable, vous n’êtes plus à ça près ! Refuser de vivre au XXIème siècle n’est toutefois pas une solution très sérieuse. Pour preuve cet excellent et absurde article de legorafi.fr, qui aura au moins le mérite de vous faire sourire !
Option 2 : manifester votre désaccord
Qui suis-je pour lutter contre l’administration américaine et ses services de renseignement ? Pas grand chose… Mais nous sommes très nombreux dans ce cas ! Sur ce principe, certaines initiatives émergent sur la Toile, et permettent de signifier officiellement votre mécontentement en tant que citoyens du monde. Les formes divergent, mais le principe reste toujours le même : dire non à la surveillance systématique des télécommunications, et revendiquer son droit à la vie privée sur Internet. En voici deux exemples :
- L’inévitable pétition : stopwatching.us vous propose d’apporter votre signature à une lettre qui sera transmise au Congrès américain, afin de demander une transparence complète sur les différents programmes de surveillance de la NSA.
- Le retour du Jedi : des opérations « vengeance » émergent un peu tous les jours sur Internet, comme par exemple l’opération « Troll the NSA », qui propose à tous les participants d’envoyer en même temps le même e-mail (peu importe le destinataire) contenant de nombreux mots-clés surveillés par la NSA dans le cadre de la lutte anti-terroriste (overthrow, Manhattan, radicalized, bomb, flight school, etc. Ooooops ! Bonjour amis analystes !). Le but est d’inonder le système de surveillance d’informations « pertinentes », de façon simultanée et massive. Arroser l’arroseur en quelque sorte !
Pas sûr en revanche que ces solutions en soient vraiment…
Option 3 : sortir des sentiers battus
Pour échapper au contrôle de vos communications par la NSA (ou autres…), il nous faudra peut-être repenser la façon dont on communique sur Internet, à la fois en termes d’usages, mais aussi en terme d’outils.
Côté usage, nous pourrions par exemple cesser d’exposer en permanence les moindres détails de notre vie privée (Facebook, Twitter, Google+, Foursquare, etc.). Côté outils nous pourrions utiliser systématiquement des programmes de chiffrement pour nos communications, ou tout simplement des outils alternatifs et non surveillés, comme par exemple :
- Système d’exploitation : Linux
- Navigateur web : IceCat, Firefox, Tor
- Moteur de recherche : DuckDuckGo, Seeks, Starpage, YaCy
- Transaction financière en ligne : Bitcoin
- Webmail : Bitmessage, Riseup
- Client de messagerie : Icedove, Thunderbird
- Chiffrement des e-mails : Enigmail, GPG, Mailvelope, WebPG
- Hébergement à distance : OwnCloud, Sparkleshare
- Réseau social : Diaspora, Friendica, GNU Social, Pump.io
- Logiciel de discussion instantanée : OTR, Pidgin, RetroShare
- Application de visioconférence : Jitsi
- Plateforme de publication de contenus : GNU MediaGoblin
- Suite bureautique web : Ethercalc, Etherpad
Être choqué par le « scandale » de PRISM, c’est un peu comme être indigné que l’on puisse voir chez vous à travers la fenêtre de la cuisine : on sait que nos données circulent sur Internet, via des entreprises américaines tentaculaires, et que les services de renseignement cherchent toujours à obtenir un maximum d’informations sur un maximum de personnes possible, y compris dans les pays réputés comme les plus « démocratiques ». Devant ces faits, c’est finalement l’option 3 qui serait la plus rationnelle…
Sources : numerama.com / slate.fr
Image : Flickr / Surian Soosay / CC BY 2.0
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